Pages

Le Bayern, les pieds dans le tapis

Près de 60% de possession de balle, plus de 30 tirs (dont une bonne moitié contrée) en 120 minutes de jeu, mais pourtant une défaite lors de la séance de tirs au but. Si son échec en 2010 face à l’Inter était difficilement discutable, le Bayern Munich risque de se rappeler longtemps de cette finale face à Chelsea, qui plus est dans son propre stade. Retour sur cette désillusion en deux parties : le plan de jeu contré par Chelsea et l’absence de pressing des Bavarois.




Un plan de jeu rendu inefficace :

Sans surprise, Jupp Heynckes avait abordé cette finale avec son système de jeu habituel, entre 4-4-2 et 4-2-3-1 selon la position de Müller, et avec Ribéry et Robben sur les ailes. Dans ce système de jeu, les Bavarois avaient évidemment prévu de créer le danger sur les ailes grâce, avec leurs deux dribbleurs en fers de lance. Dans l’autre camp, le Chelsea de Roberto Di Matteo avait anticipé une telle animation et adapté son système défensif en conséquence. Pour rappel, lors de la demi-finale face à Barcelone, le technicien italien avait mis en place un système avec trois milieux axiaux sur la même ligne, de manière à toujours conserver au minimum l’égalité numérique dans la zone où son adversaire se montrait le plus créatif. Pour la finale de samedi soir, il a repris exactement la même ligne de conduite, en l’adaptant à l’animation offensive de son adversaire.

Ainsi, le 4-5-1 de Di Matteo à Barcelone s’est transformé en un 4-4-1-1 visant à fermer les couloirs à double tour. Alors qu’habituellement, ils sont les premiers à sortir sur les latéraux adverses, les milieux excentrés (Bertrand et Kalou) de Chelsea sont tous les deux restés très bas en phase défensive, de manière à ne jamais laisser de champ libre à Robben ou Ribéry au cas où ses derniers chercheraient à repiquer dans l’axe. Au coeur du jeu, Mikel s’est lui chargé de suivre les déplacements de Muller jusqu’à ce que celui-ci ne commence à permuter avec Robben. Second milieu de terrain axial (excentré à gauche), Lampard est lui régulièrement venu aux abords de la ligne médiane afin de s’opposer aux relances de Schweinsteiger ou de Lahm.

Ces sorties de l'international anglais étaient très importantes puisqu'elles permettait à Chelsea de faire front dans le couloir, gênant les lancements de jeu de Lahm ou Schweinsteiger, sans avoir à casser la prise à deux faite par Bertrand et Cole sur Robben. Lorsque Lampard quittait la première ligne des Blues, Mikel et Kalou compensaient en revenant dans l'axe. Devant, Mata se positionnait lui entre Schweinsteiger et Kroos de manière à empêcher un changement de jeu qui ouvrirait tout le flanc gauche aux Bavarois. Néanmoins, ces derniers ont réussi à se montrer dangereux sur cette aile, notamment en raison de l'absence d'un second Lampard pour venir arrêter Contento ou Kroos au niveau de la ligne médiane.

Plus conservateur, Mikel est en effet resté presque toujours en couverture devant sa défense, ce qui a laissé du champ au Bayern sur l'aile gauche. Travaillant entre Schweinsteiger et Kroos, Mata ne pouvait pas non plus compenser entre ce dernier et Contento. D'où l'occasion la plus dangereuse en première mi-temps : une reprise de Müller sur un débordement du latéral gauche du Bayern après un relais avec Ribéry. Kroos a aussi crée le danger en allant dans la zone de Mikel alors que Lampard était sorti du milieu de terrain. D'où quelques positions de frappe pour lui à mi-distance. Au coeur de la première mi-temps, Heynckes s'est résolu à changer ses plans : en faisant passer Müller à droite et Robben dans l'axe, il a tenté de profiter de la relative faiblesse des Blues au coeur du jeu. Mais Mikel, Cahill et David Luiz se sont montrés intraitables dans les duels, ne cédant pas une pouce de terrain dès lors que le jeu du Bayern tentait d'alerter directement Gomez ou le Néerlandais.

L'absence de Luiz Gustavo :

Exceptionnel lors de la demi-finale face au Real Madrid, Luiz Gustavo est certainement le joueur qui a le plus manqué à son équipe samedi soir et ce, alors que Chelsea devait composer sans Ramires ou Ivanovic, jusqu'ici toujours présents dans les grands rendez-vous des Blues en Ligue des Champions. Car même s'il a dominé les débats, sur les plans de la possession de balle et de l'occupation du terrain, le Bayern Munich s'est montré incapable de véritablement mettre son adversaire sous pression. En cela, l'absence du Brésilien, véritable expert en la matière, s'est révélé être un handicap presque fatal. Car quand le Bayern finissait par perdre le ballon, son objectif premier n'était pas de le récupérer mais de se replier le plus rapidement possible dans sa moitié de terrain. Bien sur, Muller ou Gomez faisaient parfois les efforts face à Mikel ou Lampard. Mais leur pressing n'étant pas suivi par le reste de l'équipe, il n'a, le plus souvent, pas servi à grand chose.

Reste à savoir pourquoi le Bayern n'a pas pu imposer une véritable pression dans le camp adverse ? Deux raisons à cela : la première tient dans la nécessité de contenir Drogba à la retombée des nombreuses relances longues des défenseurs londoniens. Quand il n'était pas pris par deux joueurs, l'Ivoirien était au duel avec un défenseur (Boateng ou Tymoschuk), l'autre évoluant en couverture tandis qu'un milieu de terrain (Schweinsteiger) finissait de l'encercler en coupant une possible remise vers Mata. Dès lors, Kroos se retrouvait seul pour aller au pressing sur la paire Mikel-Lampard, s'il n'était pas déjà dépassé par la première relance (au cas où il se soit retrouvé, comme Muller et Gomez, à suivre l'action jusque dans la surface de Chelsea).

Conséquence de ces positionnements défensifs, le Bayern a bien réussi à contenir Drogba et à le couper du reste de l'équipe londonienne... Mais il en a payé les conséquences en laissant jouer les milieux adverses dans leur camp. Recevant le concours de Mata par ses décrochages, Mikel et Lampard ont souvent profité de leur surnombre face à Kroos, permettant à Chelsea de ressortir de ses 30 mètres avant d'envoyer le jeu sur les ailes vers les paires Cole-Bertrand ou Bosingwa-Kalou, permettant le développement de quelques attaques rapides qui ont pu inquiéter la défense du Bayern. Plus généralement, une fois la ligne médiane franchie par les Londoniens, c'est tout le bloc bavarois qui était contraint de se replier dans sa moitié de terrain pour faire face et tenter de récupérer le ballon.

A ce sujet, les statistiques des Bavarois sont assez éloquentes puisque malgré leur domination présumée, ils n'ont gagné que deux ballons aux abords du rond central sur les 90 premières minutes de jeu... Soit autant que Chelsea. Soit aussi, seulement deux petites situations où les milieux du Bayern se sont retrouvés dans une position assez ouverte pour ne pas être enfermés par le repli défensif des Blues. Conséquence, Robben ou Ribéry n'ont quasiment jamais eu de situations d'attaques rapides, où ils se seraient retrouvés lancés par leurs milieux de terrain. En plus de bien les bloquer sur attaque placée, Chelsea a su limiter au maximum leurs munitions en contre-attaques.

Conclusion :

Malgré ses frappes, malgré sa possession, malgré son manque de réussite, le Bayern était très loin d'être dans un grand jour samedi soir. Pris entre deux feux dans l'entrejeu, il lui a cruellement manqué ce milieu de terrain, capable de faire du rond central sa zone et de ne pas céder un seul pouce de terrain à ses adversaires. Pour preuve, la prolongation, qui a vu Tymoschuk gagner quelques ballons dans le camp londonien une fois qu'il a été aux côtés de Schweinsteiger.

FLORENT TONIUTTI